Auteur.e est un vrai métier
OUI ! Écrire est un métier. Que ce soit en Maison d’Édition comme en Auto-édition, écrire (et publier), c’est bien un travail. Un job. Oui, beaucoup (par manque de moyens) le font sur leur temps libre. Oui, peu en vive (et certains ne le souhaitent même pas d’ailleurs 😉). Mais reprenons ça point par point et prouvons-le.
- Tu fais ça sur ton temps libre, c’est donc une passion et pas un métier.
C’est le genre de remarques qu’on peut entendre de temps en temps, au grès d’une conversation qui, de prime abord, semblait pourtant sympathique. Ce à quoi on pourrait répliquer par approximativement 1 534 contre-exemples : « Ah bah tu repeins tes murs sur ton temps libre, donc c’est ta passion et le métier de peintre d’intérieur ne devrait pas exister. Ni d’ailleurs de carreleur ou de couvreur, puisque tu t’occupes du sol de ta salle de bain et de ton toit. », « Il est possible de faire toi-même un super bon repas grâce aux livres de Cyril Lignac et à quelques tutos youtube/tiktok, donc cuisinier ce n’est pas un vrai métier, ça ne devrait même rien coûter de plus que les matières premières ! », « Ouais mais moi aussi je sais faire des mimiques à la Brad Pitt et taper dans un ballon, donc ils ne devraient pas être payés ces bonhommes. »
Bah non, en fait. Tout ce qui te prend du temps à bâtir doit être rémunéré d’une manière ou d’une autre. Tu veux bénéficier de mon service, donc lire mon livre ? J’y ai passé du temps, alors oui, faut rémunérer ce temps à sa juste valeur. Tu ne veux pas payer ? Bah… écris ton propre livre et lis-le. Eh oui, ça marche bien comme ça pour ta maison ! Si tu ne veux pas payer une entreprise pour te la construire ou la restaurer, tu le fais toi-même. Alors pourquoi ce ne serait pas la même chose pour les livres ?
En vrai, il faut revenir à la racine du mot travail. Si vous avez fait du latin ou même de la philo (oui, moi j’ai appris ça en philo ^^), vous savez que travail vient probablement du latin tripalium qui n’est autre qu’un instrument dont on se servait… pour torturer les esclaves. Sympa. D’ailleurs, sans aller jusque-là, les synonymes de travail sont du genre « labeur », « peine », « charge » … Bref, on assimile forcément le travail à une mauvaise chose.
Or, tout le monde à la version « idéalisée » du métier d’auteur (comme d’ailleurs on a une vision idéalisée de beaucoup de métiers ! Pour ne citer qu’eux : intermittents du spectacle, animateur de colonies de vacances ou profs). Genre l’auteur passe son temps à écrire face à un champ d’herbe verte balayée par le vent, porté par le chant des oiseaux.
Gros spoil : non, l’auteur ne passe pas sa vie à sourire béatement face à son ordinateur avec le cerveau qui fourmille d’idées. Ou alors, si vous en connaissez un, demandez-lui à quoi il se drogue, je suis intéressée !
2. Mais du coup, c’est quoi en fait le métier d’auteur
Et là, on rentre dans le vif du sujet ! Bah oui, si je vous dis que je ne passe pas mes journées à glousser, mon thé en main, devant ma scène d’amour, vous n’allez pas me croire sur parole. Alors on va faire simple : je vais tout simplement vous dévoiler à quoi ressemble mon planning pour publier un livre. Vous allez voir, je ne me tourne pas les pouces.
Je mets actuellement 3 mois à publier un ouvrage, de son temps d’écriture à son arrivée tout beau, tout chaud sur Amazon (et la sainte boutique en ligne que j’ai ouverte 😉)
Le premier mois, je le passe à écrire. Je me lève à 7h30, je déjeune, puis de 8h15 jusqu’à ce que j’ai écris mon objectif de mots, je reste devant mon ordi. Selon le livre, mon objectif journalier varie. Il était de 6000 mots pour Griffes d’Encre, de 4000 pour Les Plaines du Vent (ce dernier étant plus complexe et plus réfléchi, j’écrivais moins vite). Généralement, j’atteins ce nombre de mot entre 15h et 16h (après une pause midi de 1h ; et je n’arrive jamais à finir avant 15h, par contre il m’arrive de finir vers 17-18h régulièrement si je ne suis pas en forme). Donc je suis déjà entre 6h et 7h de taff ! Ensuite, comme j’ai la tête comme une pastèque, je m’occupe généralement de répondre aux messages sur insta, aux mails (vous savez, ces choses auxquelles on répond aussi quand on est dans une entreprise) ou alors j’enchaine sur une bêta lecture. Car oui, si je veux qu’on me bêta-lise… Alors je bêta lis d’autres gens (pour info, une bêta lecture me prend plus de temps que l’écriture pour un même nombre de mot). Enfin, je fais un peu de communication pour les livres déjà sortis !
Le second mois, le manuscrit est envoyé chez des bêta-lecteurs en plusieurs vagues. Je jongle donc entre corrections de mon livre dès que j’ai un retour, et bêta-lectures pour rendre la pareille aux copains auteurs qui me bêta-lisent. En parallèle, je débute ma communication sur le nouveau projet : je cherche des extraits, je nourris mon instagram et mon blog. Mine de rien, rien qu’en communication, je suis généralement à 2-3h de taff par jour, week-end y compris. À titre d’exemple, il m’aura fallut 3 heures pour rédiger et publier cet article, et je publie un article par semaine 😉
Si, comme pour Les Plaines du Vent, je fais un Ulule, alors là vous multipliez par 3 le temps de communication du 2ème mois : je fais moi-même les visuels, je démarche les créateurs et les partenaires… Par exemple, la campagne ulule de LPDV m’a pris une semaine complète (week-end compris) à être montée, à raison de 6h par jour (je rappelle qu’à côté des 6h/jour, je continuais de bêta-lire, corriger mon texte, tout ça). Je vous laisse faire le calcul.
Le 3ème mois, j’ai les derniers retours de bêta et ceux de la correctrice, en plusieurs vagues toujours. Je mets la gomme sur la communication, et généralement, si j’ai le temps, je commence à me pencher sur le prochain livre : quel style, quelle intrigue, quels personnages… Bref, je tâtonne. Je fais aussi tout ce qui est maquettage (mise en page, maquette de la couverture), démarchage des premiers chroniqueurs, et j’emploie ce mois à vraiment réfléchir aux prochains projets (typiquement : création du site internet, réflexion autour de la communication, ce qu’il y a à améliorer ou non, découverte de nouvelles formations, etc).
En réalité, je fonctionne en mode projet, comme dans n’importe quelle boîte ! Sauf qu’avec l’équipe que je me créé, on s’échange des services ou je les paye.
Je ne compte pas dans ce temps tout ce qui est :
– Formations que je fais, même sur les 2 premiers mois. Par exemple, en parallèle de Griffes d’Encre, j’ai suivi la formation de Jupiter Phaeton sur la pub Amazon. Et sur les 3 mois de LPDV, je me forme aux SEO pour les sites internet, les newsletters,… etc.
– Mes services : je suis aussi bêta-lectrice professionnelle et coach littéraire. Je ne vous ai pas détaillé ces activités car cela dépend de la demande, qui n’est pas encore stable.
– Les imprévus : on en a tous. Quand on me remonte une petite erreur à la page 135 de LCDSP, il faut que je la corrige. Quand finalement ton prestataire de Carnet n’est pas bon, il faut en trouver un autre en urgence avec tes prix. Quand la poste augmente ses prix de colis, il faut s’adapter, trouver des solutions.
Alors oui, je parle de mes journées en tant qu’auteure AE. Mais même si tu es en maison d’édition et que tu n’as pas la partie prestataire et édition, tu as tout le travail éditorial à reprendre (réécriture, bêta-lecture) et ce n’est pas une partie de plaisir. Se prendre la tête sur une scène pas assez rythmée, c’est la même chose que se prendre la tête sur un fichier excel qui ne fonctionne pas sans qu’on sache pourquoi. Se prendre la tête avec un prestataire (ou sa maison d’édition), c’est comme un commercial qui se prend la tête avec son client. C’est pareil. C’est un travail. Et parfois, on compte encore moins nos heures que ceux qui sont en entreprise.
Pour résumer, chez moi, un livre c’est 3 mois de travail approximativement. Je vous fais don de mes week-ends et de mes heures supp, disons que je bosse 8h par jour, 22 jours par mois : ça donne 528h de taff pour un livre (et je suis une rapide, d’autres mettent des années à écrire leur livre). Mais 528h de travail pour moi ! Ma correctrice, mon illustratrice, mes bêtas aussi passent du temps là-dessus. Et du temps, c’est de l’argent.
Rien que pour LPDV, j’ai dépensé, en plus de ces 528h, 1000€ pour que le bébé soit illustré et corrigé. 1000 balles ! C’est presque un mois de salaire.
Enfin, je rappelle que les livres bénéficies souvent d’offres (offres à 0,99€ sur Amazon pour le numérique, l’abonnement kindle à 10€ par mois avec lecture illimité en numérique, Prime Reading où c’est lecture illimitée aussi, etc)
Alors maintenant posez-vous la question…. Est-ce vraiment logique de ne pas vouloir payer un livre et de préférer le télécharger ?